De la photographie en tant que trace (English below)
Le présent trace en notre conscience, surface sensible obscurcie par l’ombre de l’à venir et le voile du passé, ses signes limpides et lumineux.
Toute trace s’efface sur son passage, rien ne lui résiste. le présent est la seule réalité qu’il nous soit donné de vivre. le reste n’est que peur (de l’avenir) et mystification (du passé recréé par la mémoire).
Toute trace s’efface, recrée par la mémoire, mensonge permanent. La photographie, en tant que document, trace d’un instant éblouissant de netteté pose la question de la fin, de l’impermanence. La photographie, en tant que document, anecdotique: mensonge figé, tranche d’instant mort. Ce pouvoir de saisir l’instant, de le figer, d’annihiler le mouvement, la vie, rend le procédé simplement diabolique. La photographie dite documentaire ou de reportage reste un superbe outil de propagande. Cet aspect du réel, n’a jamais existé pour nos sens. la photographie est un mensonge qui se présente en vérité. Cette trace détrône jusqu’au souvenir des événements, des émotions qui y sont liées. Le souvenir ayant cet avantage de s’effacer comme un tirage mal fixé, devenu irréel à force de s’abîmer dans la répétition. En se démocratisant, le procédé est désormais instrument de propagande d’une mythologie de l’ego doublé d’un moyen de fuir le présent en prenant des images que l’on ne regardera pas. Le seul usage réaliste de la photographie est la fiche anthropométrique, le cliché médico-légal qui ne prétendent pas être autre chose que les outils qu’ils sont.
A contrario, considéré en tant qu’art de produire des images irréelles bien que liées à la réalité, la photographie est un medium extraordinaire. Chaque instant, extirpé de son contexte, du mouvement et des sens autres que la vue, réduit à un point de vue qui exclut tout les autres, plaqué en deux dimensions, offre une multiplicité de réductions que sont les images photographiques.
La photographie non anecdotique, utilise ce medium pour créer des images qui ne se revendiquent pas de la réalité documentaire. Le medium offre des possibilités qui permettent d’en tirer des images différentes de la perception qu’on a habituellement de ce que l’on a l’habitude de nommer « le réel ». La photographie non anecdotique témoigne d’autres visions du monde, souvent impossibles, invisibles à l’oeil nu. Elle témoigne d’une perception poétique rendue visible hors la tyrannie pragmatique du réel. L’image non anecdotique manifeste une liberté arrachée au visible.
l’impossible est la seule liberté qui nous échoit.